Inverser la courbe du chômage !!!...

 

Patrice FOIN

 

 

« Inverser la courbe du chômage… ». C’est là le maître mot de notre président français actuel (décembre 2013). Va-t-il y arriver ? Quel insoutenable suspense !!!... Ses adversaires politiques disent qu’il n’y arrivera pas… Ses alliés disent qu’il est en train d’y arriver…

 

Mais en fait, que nous importe ?

 

Environ 4 millions de chômeurs. Bien plus de gens que cela qui sont dans la misère : les familles de chômeurs, les vieux qui ont une trop petite retraite, et bien d’autres… Des enfants (français et vivant en France) qui ont faim, des gens qui tardent à se soigner parce qu’ils n’en ont pas les moyens, qui tardent parfois jusqu’à en mourir car le cancer n’attend pas…, de plus en plus d’analphabètes,… Et le but serait juste d’inverser une courbe ?

 

Je croyais que notre gouvernement était là pour tous ses administrés. Je croyais que sont but était d’abord de faire en sorte qu’ils aient de quoi vivre décemment, se nourrir, se loger, se soigner… Et le but serait simplement que le nombre de malheureux cesse de croître. Parce que tant qu’elle n’est pas inversée, cette fameuse courbe, cela veut dire que le nombre de malheureux croît ! Parce que quand elle sera inversée, le nombre de malheureux ne fera que décroître d’une manière infime. Quel mépris des gens ! Quel raisonnement d’homme du monde au mauvais sens du terme ! Mais que leur importe, à tous ceux qui n’arrivent pas à nourrir leur famille, qui n’arrivent pas à boucler leur fin de mois, qui n’arrivent pas à être logés décemment, qui se retrouvent SDF peut-être? Qu’est-ce que cette inversion changera pour eux ? Qu’est-ce qu’on fait pour eux ? Rien… ou plutôt si, on joue sur les taux d’intérêts des banques centrales, on fait des gesticulations à chaque plan social, on diminue les ressources de ceux qui en ont encore ou d’autres fariboles du même genre pour avoir bonne conscience en tentant d’inverser une courbe…

 

Et qu’on ne se méprenne pas ! Je ne critique pas plus le gouvernement actuel que le précédent. Ils l’ont tous fait croître depuis des années, cette fameuse courbe. Et ils les méprisent tous depuis des années, les pauvres et les chômeurs ! Ou plutôt, non ! Ils ne méprisent pas les chômeurs, ils les réprouvent car qui ne travaille pas ne peut qu’être un fainéant… même dans un système où il n’y a pas de travail à faire… Et je ne suis pas sûr qu’un seul courant politique significatif actuel ne les méprise et ne les réprouve pas !... Tous voudraient les remettre au travail, comme si c’était le but…

 

4 otages ont été libérés. C’est une gloire pour notre gouvernement ! Il fallait certes le faire et c’est bien. Prendre les gens en otage est une horreur ! Mais que fait-on pendant ce temps pour les gens qui sont otages du chômage ? Ils sont approximativement 4 millions et même bien plus avec leurs familles. Eux aussi meurent à petit feu. Dans leur cas, il n’y aurait pas de honte à payer leur rançon… plutôt que de la faire payer par des institutions bénévoles comme les Restaurants du Cœur !… Si j’étais homme politique, jamais je n’oserais me vanter d’avoir fait libérer 4 otages car je n’aurais fait qu’une infime partie de mon devoir. J’aurais honte d’avoir fait libérer trop tardivement 4 otages alors qu’il en reste un million de fois plus pour qui je ne fais RIEN ! Si ! J’essaye d’inventer des combines absurdes pour inverser leur courbe !!!... Personnellement, je rêve du gros titre des journaux : « Notre président vient de faire libérer les 4 millions d’otages du chômage ! »… un rêve absurde ?

 

Si vous avez suivi l’actualité récente, un certain « Robert le Fainéant » a fait la une des actualités du Danemark ! D’après ce que j’ai lu, cet homme, qui ne reçoit que les aides sociales très faibles auxquelles il a droit, vit heureux et s’en vante. Crime suprême, il ne  cherche pas de travail ! Bien entendu, il a été traîné dans la boue… Dans notre système, il y a de quoi ! Dans un article récent, j’ai vu que cela faisait 2 ans que le gouvernement (socialiste) achevait de casser le modèle social du Danemark. Ce Robert le Fainéant était l’un des deux prétextes médiatiques pour justifier la thèse que le système d’aide sociale du Danemark est trop généreux. Et le pire, c’est qu’une partie de l’opinion a gobé cela…

 

Bien entendu, tout ceci est une honte !... et une honte à deux titres :

-si grâce à un langage positif (surtout) et à des aides un peu plus généreuses (peut-être), nos 4 millions de chômeurs français devenaient tous des « Robert le Fainéant », c’est-à-dire devenaient heureux de leur sort car ils auraient de quoi vivre, chichement peut-être mais vivre, se nourrir, se loger, se soigner, avoir la considération des autres… nous aurions alors gagné la lutte contre le chômage ! C’est même seulement comme cela que nous pouvons la gagner, pas en inversant une courbe pour statisticien borné… Et où serait le mal, puisque de toute façon, nous n’avons rien à leur donner à faire et que nous faisons déjà trop de choses inutiles ou nuisibles ? (des choses inutiles ou nuisibles : la publicité qui vise à gaspiller plus, ou à intoxiquer les gens avec l’alcool, les harcèlements téléphoniques ou sur le Web qui ont les mêmes buts, la fabrication forcenée de gadgets inutiles, le gaspillage énergétique, les activités économiques et financières en elles-mêmes… et je devrais dire la monstrueuse industrie de l’armement mais c’est une autre histoire et un autre problème… ; bien entendu, il y aurait aussi des choses utiles à faire en plus : mieux s’occuper des vieux et des malades, sauvegarder et entretenir notre biodiversité et notre patrimoine culturel, artistique, historique, etc., des choses qui ne sont pas économiquement rentables mais qui sont l’âme de notre vie humaine et sociale… ) ; mais surtout, au lieu de transformer les retraités dont on retarde le départ en chômeurs, on ferait mieux de transformer les chômeurs en retraités !

-mais cette histoire de « Robert le fainéant » est une honte à un autre titre ; bâtir une politique en mettant en exergue un cas, ça a un nom : cela s’appelle de la propagande et c’est le fait d’un régime totalitaire ; pas totalitaire, notre soi-disant démocratie qui est en fait la dictature de l’argent sous les noms prétendus nobles de « science économique » ou de « libéralisme » ? Pas totalitaire un système qui précipite de plus en plus de gens dans la misère, par millions, et ne s’en soucie plus sauf sous forme d’une courbe ? Pas totalitaire, un système qui va chercher un exemple (sur plusieurs millions de personnes, on en trouvera toujours bien un…) pour justifier qu’il va encore affamer plus ses citoyens ? Pas totalitaire, notre système, parce qu’il prétend s’opposer à un autre système qui fut tout aussi abject, mais pas plus, dans de nombreux pays : le communisme ? Lutter contre un système totalitaire n’a jamais justifié d’en créer un autre pour cela ! Renvoyons dos à dos ultralibéralisme et communisme, ils ne sont pas meilleurs l’un que l’autre…

 

En attendant, « inverser la courbe du chômage » est une très grande réussite ! Non que ladite courbe soit inversée. Non que, si cette inversion se produit, cela améliore le sort des gens concernés. Il s’agit d’une très grande réussite en termes de propagande. La propagande, cette chose que l’on nous présente comme de la « communication » mais qu’il faut bien appeler par son nom. La formule qu’on nous matraque permet de faire en sorte qu’on ait l’impression que quelque chose est fait pour lutter contre le chômage. Elle permet, à peu de frais, de faire croire que nos dirigeants se préoccupent du chômage. En termes de communication et de valorisation de notre président, c’est une grande réussite. Le mot chômage lui est associé en permanence pour faire accroire qu’il lutte contre. Vous ne voudriez pas qu’il traite en plus le problème ?

 

De toute façon, comme je l’ai montré dans une autre fiche, la croissance telle qu’elle est définie et le chômage ne sont que deux avatars du même phénomène. Il n’y a aucun espoir que la croissance arrive à un point tel qu’elle absorbe nos 4 millions de chômeurs. Bien au contraire, ce nombre augmente inexorablement au fil des années et des gouvernements quelle que soit leur couleur politique… Pire encore, nous savons que nous sommes en train de détruire notre planète, la planète de nos enfants, et que faire de la croissance ne peut qu’accélérer cette destruction. Il y a donc urgence à agir, et à agir en institutionnalisant l’inoccupation. En réduisant la production de tout ce qui est inutile et en donnant un statut et les moyens de vivre décemment aux millions de chômeurs. Par contre, je me refuse à dire « à faire de la décroissance ». Si la croissance est un concept absurde, son contraire l’est tout autant puisque l’indicateur qu’ils recouvrent est le même et  ne représente plus rien.

 

Nous n’avons qu’une alternative et il y a urgence ! Soit nous continuons dans la voie où nous sommes engagés et nous accélérons encore la destruction de la planète par épuisement de ses moyens mais aussi par les conflits dans lesquels nous seront plongés et où nous avons déjà commencé à nous enliser (voir ailleurs sur ce site, dont le Principe de Générosité). Il est patent que le Monde entier est de plus en plus déstabilisé et que les conflits se multiplient et se rapprochent. Soit nous effectuons une « révolution tranquille » qui a des voies multiples. « Tranquille » parce que, si elle est violente, nous plongeons automatiquement dans les conflits évoqués précédemment. « Des voies multiples », par exemple :

-donner de quoi vivre aux chômeurs ; l’idée de donner un revenu minimum à tous les citoyens est une piste ; elle peut vous sembler grotesque sous ma plume mais des personnages politiques français de premier plan l’ont également évoqué ; bien plus, un pays voisin a organisé une « votation » à partir d’une initiative citoyenne sur le sujet ; vous n’en avez pas entendu parler ? Normal, comme c’est contraire aux systèmes idéologique et économique dans lesquels nous sommes enfermés, les média n’en ont guère rendu compte ; en « temps normal » et si c’était dans un pays lointain, exotique, en Amérique du Sud par exemple, ils auraient fustigé le « communisme » de ces gens et, au besoin, la CIA aurait essayé d’y « mettre bon ordre » par quelques assassinats bien pensés ; mais dans le cas présent, comment traîner dans la boue en traitant de communiste une initiative citoyenne… suisse !!!

-mettre un maximum de gens à la retraite, tout le contraire de ce qu’on fait actuellement : abaisser l’âge de la retraite, encourager les départs volontaires, etc. Et ne dites pas que je n’ai rien compris, qu’il n’y a pas l’argent,… combien coûte un retraité et combien coûte un chômeur  avec les maladies induites ? Quelqu’un a-t-il fait le calcul ? Evidemment, l’argent n’est peut-être pas au même endroit… mais c’est bien le rôle des hommes politiques de réorganiser la société pour qu’elle marche mieux, pas d’inverser des courbes fumeuses… Bien plus, si les économistes n’étaient pas enferrés dans des calculs linéaires d’un autre âge, ils sauraient que quand on donne de l’argent aux plus pauvres, ils le dépensent pour satisfaire leurs besoins ; l’argent revient donc dans le système, dans les entreprises, dans les caisses de l’Etat sous forme de TVA, etc. Là encore, vous pouvez me traiter d’utopiste mais c’est quand même Henri Ford, bien avant que je sois né, qui a dit : « Je paye bien mes ouvriers pour qu’ils m’achètent des voitures » ; c’est exactement la même chose pour un Etat… et tout le contraire de ce qu’on fait actuellement…

-il est aussi possible d’embaucher des fonctionnaires ; assez de l’image du gratte papier ou du rond de cuir ! Nous voulons plus de sécurité, il  nous faut des policiers et des moyens pour ceux-ci en plus ; nous voulons un bon enseignement, embauchons des enseignants ; idem pour les professions médicales ; etc. ; là encore, les rétroactions (« feedbacks » en jargon économique) feront rentrer plus d’argent s’il en est sorti plus.

-etc.

 

Bien entendu, ces évolutions mettent à mal un certain nombre des bases de notre système. En gros, ce sont les dogmes ultralibéraux qui président à un certain nombre d’organisations. Principe du libre échange certainement qui n’a qu’un but, augmenter la compétitivité et la productivité, alors même que nous produisons trop et n’avons plus rien à produire. Tant que les conditions des travailleurs ne seront pas les mêmes dans tous les pays, il faut un certain protectionnisme qui rééquilibre cela. Le plus léger possible, le but nest pas de taxer mais d’équilibrer, une subtile nuance qui recouvre une notion fondamentale : agir positivement en rééquilibrant et non négativement en taxant pour bloquer…  S’il est essentiel de faire l’Europe des peuples pour éviter si possible les conflits, notre Europe ultralibérale actuelle marche aussi à rebours du progrès. Il est urgent de la réorienter au moment où les gens commencent à la rejeter en bloc. Tiens, si j’écris par ailleurs qu’il faudrait augmenter et non réduire le nombre des fonctionnaires, les adversaires de cette idée vont être heureux : je suggère qu’on divise par dix le nombre des fonctionnaires européens ! Cela fera des économies et réduira en outre le poids des lobbies qui se servent de Bruxelles pour arriver à leurs fins. On pourrait même sans doute commencer par mettre à pied les commissaires européens. Ils font la pluie et le beau temps alors que non seulement ils ne sont pas élus mais qu’ils sont le plus souvent des politiciens qui n’ont pas été réélus dans leur pays. Tout le contraire de la démocratie, le pouvoir à ceux qui n’ont pas été élus…

 

Mais l’apothéose est quand même dans le but poursuivi par notre système totalitaire actuel. Car si les chômeurs ne sont plus des êtres humains mais une courbe, le résultat recherché est de faire grossir toujours plus les chiffres des revenus et des avoirs des grandes banques et sociétés. Courbes pour courbes… Car il ne s’agit là encore que de chiffres… Personne n’a réellement cet argent qui n’existe que dans les ordinateurs. Bien entendu, il y a des riches, il y en a toujours eu. Mais y en a-t-il plus ou sont-ils plus riches ? Je n’en sais rien. Non seulement je ne crois pas que cela ait été étudié mais il est probable que cela n’ait aucune signification. L’essentiel est en tout cas de l’argent fantôme. Je serais enclin à penser que les riches sont dans l’ensemble de « pauvres gens », obligés de se défendre contre ceux qui en veulent à leurs biens, les vrais pauvres, les voleurs, leurs pairs qui les jalousent et qu’ils jalousent, les impôts, les tribunaux qui auront peut-être à redire sur la manière dont ils se sont enrichis… et aussi les plus riches qu’eux dont c’est le rôle, dans la guerre économique, de les acculer un jour prochain à la faillite En attendant, ils doivent se claquemurer pour protéger leurs biens et leur famille, ils doivent calculer pour s’enrichir encore plus sous peine de voir leur fortune s’effriter… Que d’insomnies !... Mais drôle de société !

 

Les vrais riches, ce sont ceux qui sont heureux avec ce qu’ils ont. Ils peuvent ne pas produire ni travailler, qu’importe ? A notre Etat de les rendre heureux, c’est son rôle… et pas en suivant l’évolution d’un « indicateur de bonheur » qui se substituerait à la croissance et dont on ferait croître la courbe, comme certains l’ont suggéré. Ceux-là n’ont rien compris à l’être humain et à la société…