Le Principe de Générosité

Patrice Foin

Ecologie ? Vous avez dit « écologie » ? Comme c’est étrange !

 

           

L’écologie est un cheval de bataille de beaucoup de gens ! Il y a des partis politiques baptisés écologiques. Il y a des écologistes qui sont des représentants de ces partis et des noms vous viennent certainement à l’esprit immédiatement… Mais pourriez-vous citer de mémoire le nom d’un seul scientifique travaillant dans cette discipline actuellement ? J’écris bien « scientifique », chercheur, professeur d’université, prix Nobel, ou autre, pas un de ces journalistes scientifiques ou de ces cinéastes qui en ont fait leur fond de commerce sans avoir réellement approfondi la question, même si leurs actions vont parfois dans le bon sens… s’ils n’abusent pas trop des moyens aéroportés et polluants. S’ils n’abusent pas non plus de l’imprégnation par l’homme d’espèces animales présentées ensuite comme si elles étaient « sauvages » alors que les individus concernés sont devenus quasi-domestiques !

 

Personnellement, parallèlement à mon cursus normal, j’ai étudié l’écologie en fac en 1971/1972 au niveau du DEA (Bac+5). Il s’agissait d’une science qui, pour son malheur, commençait à devenir à la mode. Les scientifiques qui la pratiquaient et l’enseignaient étaient dénommés « écologistes », aucun doute là-dessus. Le sujet est devenu tellement brûlant que certains ont voulu en faire une arme politique pour sauver la planète… qui, au demeurant, en a bien besoin... Les étudiants « post-soixante-huitards » avec qui j’étais, tout comme une bonne partie de nos enseignants, étaient très remontés et voulaient agir. Il s’est donc créé des « partis écologiques ». J’écris « des » car, suivant les moments, il en a existé, un, parfois deux voire même trois… Progressivement, les écologistes scientifiques ont été habilement « poussés » dehors ou ravalés au rang de conseillers de second rang. Au mieux les a-t-on rebaptisé « écologues », ce qui n’est pas absurde car il y avait déjà des « géologues », des « climatologues »… et bien d’autres… mais aussi des « paléontologistes », etc. Cela présentait le grand avantage de donner une couleur scientifique à des politiciens qui, très souvent, n’avaient aucune connaissance de ce genre, ou si peu… Ou plutôt, certains grands scientifiques ayant levé les premiers l’étendard de l’écologie politique, les arrivistes qui ont suivi se sont habilement glissés dans ce costume qui leur plaisait… même s’il est toujours resté quelques scientifiques parmi eux, rarement les plus en vue…

 

Quand on n’y connaît rien, autant se glisser dans les moules existants, surtout s’ils sont à la mode. Comme l’économie en était un autre, on a voulu faire un mélange des deux, s’intéressant à une « économie de la nature » qui n’existe pas, je l’ai déjà signalé dans mon essai « le Principe de Générosité », ailleurs sur le présent site. On va voir de nouveau qu’elle ne correspond à rien dans la suite de la présente fiche… Pourtant, dès 1972, j’ai entendu certains de mes condisciples en écologie, à la suite de « pontes » de la discipline, dire qu’il fallait faire rentrer la nature dans le calcul économique. Des choses aussi stupides que le « principe pollueur payeur » ont été inventées par ces gens à cette époque. A une époque où l’hyperspécialisation prévalait déjà, tous ces gens, fort sensés, intelligents et plein de bonnes intentions n’avaient pas les bases mathématiques (ni même souvent économiques) pour se rendre compte qu’il y a un schisme complet entre les pratiques des deux[i]. Pour faire rentrer la nature dans le calcul économique, il aurait fallu que celui-ci intègre des modes de calcul non linéaires, les phénomènes à seuil, les effets en retour (feed-back), etc. Si tel était le cas, après tout, pourquoi pas… si ce n’est pas tenter de faire ce qui a rendu le mathématicien Cantor fou : faire rentrer le tout dans une de ses parties (pour Cantor, sauf erreur, c’était vouloir que l’ensemble de tous les ensembles soit un ensemble, ce qui, philosophiquement, revient à peu près au même…). Je note au passage que si le calcul économique se dotait d’instruments sérieux pour cela, il s’épargnerait, en dehors de toute écologie, les graves crises que l’on connaît périodiquement depuis 1929 et avant et qui semblent bien le choc contre des phénomènes à seuil ou des effets en retour non pris en compte dans les calculs…

 

Mais trêve de philosophie, je ne parlerai pas ici d’ours ou de pesticides, peu du nucléaire, tous sujets qui fâchent… Je me contenterai d’analyser quelques détails de notre vie courante qui montrent bien où nous en sommes, ou plutôt dans quoi nous avons sombré… Il ne s’agit pourtant que de petits détails par rapport à l’étendue du problème d’une société qui a accumulé les moyens de s’autodétruire, mais ils sont déjà tellement riches d’enseignements si l’on veut les méditer un peu.

 

Du mercure, des thermomètres médicaux et des ampoules à économie d’énergie…

 

            Est-ce à la suite d’une directive européenne ou d’une initiative française, je crois que la première hypothèse est la bonne, mais peu importe ! Il y a quelques années, nous avons connu une campagne contre les thermomètres médicaux à mercure. Vous vous rendez compte ! Chaque français était doté d’au moins un thermomètre à mercure. Il s’en cassait, cela libérait dans l’environnement du mercure, métal lourd hyper toxique et polluant. Quelle horreur ! Heureusement, des firmes prêtes à voler au secours des pauvres français pollués avaient inventé des thermomètres électroniques. Vite ! Il fallait opérer le changement. Acheter des millions de thermomètres à ces firmes doués d’un altruisme hors du commun… et faisant des millions d’euros de bénéfices au passage… J’ignore si une structure de récupération des thermomètres à mercure abandonnés a été mise en place. La question était pourtant d’importance car on risquait de décupler la pollution par le mercure si on les mettait purement et simplement à la poubelle… En tout cas, je me suis doté de thermomètres électroniques et n’ai rien vu de semblable, n’ai reçu aucune sollicitation pour déposer mes anciens thermomètres dans un système adéquat…

 

            Récemment, je me suis senti un peu fiévreux. J’ai donc voulu prendre ma température. Je me suis emparé de mon thermomètre électronique. Las, la pile avec laquelle il fonctionne s’était déchargée. Une pile au lithium pourtant… Mais au fait, le lithium est aussi dangereux dans son genre que le mercure et un tel thermomètre doit en consommer. Et puis, c’est agréable, quand on n’est pas en forme, de courir après une pile ou un thermomètre qui marche ! Bon ! Je vous rassure ! Je me suis emparé d’un de mes bons vieux thermomètres à mercure que je n’avais même pas jeté dans la nature et j’ai pu constater que je n’avais guère de fièvre…

 

            Simultanément, car rien n’arrête les « bonnes intentions » quand elles peuvent rapporter beaucoup d’argent à ceux qui les affichent, il est apparu que les ampoules à filament consommaient beaucoup d’énergie et qu’il fallait donc les faire disparaître. Une date à partir de laquelle il était interdit d’en vendre a été arrêtée. Des ampoules à basse consommation ont dû être inventées… et, par le plus grand des hasards, elles venaient de l’être et contenaient du mercure qui ne devait plus être aussi polluant quand on casse l’ampoule que quand on casse un thermomètre. Bon, vous savez, il y a tellement peu de mercure dans une ampoule… On ne va quand même pas s’arrêter à un tel détail. Vous n’allez quand même pas pinailler… même s’il y a énormément plus d’ampoules allumées que de thermomètres médicaux en cours d’utilisation. Comment, le calcul n’a pas été fait ? Il a certainement été fait par les firmes qui fournissent du mercure et qui font du lobbying auprès de ceux qui font les lois… mais vous ne voudriez quand même pas qu’elles rendent le résultat public ? S’il s’en trouve encore, de « vrais écologistes-écologues » pourraient y trouver à redire !...  Alors que là, bien conditionnés par le fait qu’il y a « économie d’énergie », ils ont tous crié à l’unisson qu’il fallait passer à ce mode d’éclairage. Subsidiairement, ces ampoules à basse consommation ne rendaient pas du tout les mêmes services que les autres. Par exemple, elles mettaient un temps très long avant de fournir la quantité nominale de lumière qu’elles devaient fournir. Vous n’allez quand même pas me dire que vous n’êtes pas prêts à descendre le premier étage de ceux que vous avez à descendre dans une semi-obscurité parce que la minuterie allume une telle ampoule ! Vous habitez au premier ? Vous risquez de vous casser une jambe ? Allons-donc ! Vous n’avez quand même pas la mesquinerie de ne pas vouloir prendre un risque pour économiser un peu d’énergie ? C’est bon pour la planète !

 

            Pour le malheur des marchands de mercure, les leds sont apparues très vite sur le marché. Elles sont encore plus économiques, et je ne crois pas qu’elles contiennent des substances toxiques. L’histoire ne dit pas combien elles coûtent réellement en énergie pour être fabriquées (je ne crois pas me tromper en écrivant de mémoire qu’il faut du silicium et peut-être un métal des terres rares qu’on ne trouve en abondance qu’en un seul endroit au monde pour les fabriquer, mais tout cela ne pollue pas trop). Celles qui ont été commercialisées en premier étaient extrêmement nocives pour les yeux à cause de la quantité de rayonnement ultraviolet qu’elles émettaient mais c’est broutille au regard… du marché qui s’ouvrait aux entreprises qui en fabriquent… Vous ne voudriez pas qu’on se soit préoccupé du public ? Ce serait alors amorcer une vraie réflexion écologique, faire de l’écologie humaine… De toute façon, « il se dit » qu’on aurait remédié à ce défaut mineur qui devait tous nous rendre malvoyants à terme… où, je ne sais pas, j’ai « entendu dire que »… chez des vendeurs de leds peut-être…

 

            Du diesel, de l’essence et des voitures électriques…

 

            Il y a une cinquantaine d’années, les moteurs des voitures et camions fonctionnaient avec de l’essence ou du gas-oil, surtout de l’essence en ce qui concerne les voitures particulières. Cette essence contenait du plomb tétraéthyle. Elle provoquait donc le rejet dans l’atmosphère de plomb qui, métal lourd et toxique, se déposait dans l’environnement… Et les premiers écologistes (scientifiques et pas encore vraiment politiques) hurlaient à juste titre après la pollution par le plomb. Finalement, une solution qui a satisfait tout le monde a été de supprimer le plomb de l’essence. On a oublié de dire que, pour remplir la même fonction, on a ajouté du benzène dans l’essence, même s’il y en avait peut-être déjà un peu. Le benzène est hautement cancérigène. A la même époque, le benzène qui servait dans diverses activités, teinturerie et bien d’autres, a été interdit. Il a même été considéré comme tellement dangereux que les personnes qui avaient travaillé en étant à son contact ont eu d’office un suivi médical à vie car ses effets pervers peuvent se déclencher des années voire des décennies après son emploi… Et le benzène interdit dans l’industrie s’est retrouvé dans le réservoirs de toutes les voitures particulières fonctionnant à l’essence. Bien entendu, même s’il est combustible et en partie brûlé lors du fonctionnement du moteur, il en est rejeté dans l’atmosphère à divers moments : à la station service, au garage, lors des déplacements du véhicule même. Personne n’en parle…

 

            Pendant le même temps, le diesel s’est développé, y compris dans les voitures particulières. Il est devenu extrêmement rentable pour leurs propriétaires car il conduisait à une réduction en volume de la consommation de carburant aux cent kilomètres tout en étant moins cher. Au démarrage, les véhicules, leur entretien et les réglages étaient plus coûteux mais ce défaut a sinon disparu du moins diminué largement. La pollution par le diesel est liée aux émissions de particules fines de carbone, cancérigènes… comme le benzène pour l’essence (ce n’est pas le même type de cancer, ça nous fait une belle jambe…). Les constructeurs ont donc mis au point des filtres à particules de plus en plus performants. Et cependant, on entend toujours les personnalités politiques, surtout écologistes ou prétendues telles, continuer à vilipender le diesel et à le faire taxer de plus en plus.

 

            Et pourtant, si l’on fait le bilan :

-les véhicules roulant à l’essence consomment plus de carburant, donc doivent logiquement libérer plutôt plus de gaz à effet de serre (CO²) ; ont une durée de vie en principe plus courte, avec les coûts énergétiques d’en fabriquer plus pour remplacer ceux en bout de course ; libèrent un cancérigène très pervers, le benzène ;

-les véhicules diesels libèrent des particules fines de carbone, cancérigènes elles aussi ;

…entre la peste et le choléra…

            Et je ne suis pas le seul à écrire cela, je le pensais et disais déjà mais l’ai lu récemment dans un magazine de grande diffusion…

 

            Heureusement, le tout électrique va nous sauver ! En tout cas, c’est ce que disent les personnalités politiques et écologistes, en tout cas, ceux qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez !

-le tout électrique consomme autant d’énergie qui provient en grande partie des centrales nucléaires quand ce ne sont pas les quelques centrales thermiques qui  restent ; ces centrales nucléaires sont également très polluantes et, qu’on le veuille ou non, on ne sait toujours pas éliminer leurs déchets et on n’est pas à la veille de le savoir ; leur enfouissement est tout le contraire d’une solution ; en langage commun, c’est ce qu’on appelle « mettre la poussière sous le tapis » ; dans le cas présent, la poussière est radioactive de très longue période… ; ayant étudié un peu la géologie et ayant travaillé sur les grandes catastrophes naturelles, il est pour moi bien évident que l’on ne saurait prévoir ce qui va arriver « naturellement » dans la durée aux déchets stockés ; pire encore, on ne saurait prévoir ce qui va se passer vis-à-vis des circulations d’eaux souterraines, d’éventuels tremblements de terre (n’oublions pas que celui de Bâle en 1356 a été ressenti jusqu’à Paris…), d’inondations de grande ampleur sachant que le réchauffement climatique augmente progressivement l’ampleur de ce genre de grande catastrophe, de sabotage terroriste ou non, etc. ; une communication en ce sens avait déjà été faite par d’éminents géologues au Congrès Géologique International de Paris en 1980… mais ils ne s’agissait « que » d’éminents scientifiques, pas de politiciens, et les lobbies sont têtus si les faits le sont aussi… ; et puis, le calcul économique, toujours lui, nous dit qu’il est extrêmement « rentable » d’enfouir ces déchets… et pour cause, un calcul économique n’est jamais réalisé que sur quelques dizaines d’années au plus et la période des éléments radioactifs se chiffre en centaines ou milliers d’années : les générations futures, nos enfant et petits-enfants, paieront la note qui n’a pas été calculée ;

-mais le pire n’est pas là ! Le tout électrique va amplifier la quantité de batteries contenant des métaux lourds alors qu’on ne sait pas vraiment les recycler ; on sait peut-être recycler à la rigueur une batterie en bon état amenée dans une déchetterie, et encore… mais quid des véhicules abandonnés à droite, à gauche, tombés dans une pièce d’eau, stagnant dans des casses ? Quid des batteries qui fuient ? Etc.

 

            Il est bien évident qu’aucune des trois versions n’est satisfaisante et que, si l’on passe d’une propagande pour l’une à une propagande pour l’autre, ça n’est pas en cherchant l’intérêt des citoyens et des nations mais parce qu’il y a des lobbies derrière : lobby des pétroliers, du nucléaire, des constructeurs automobiles… mais aussi et ça n’est pas le moindre, lobby de l’Etat lui-même qui diffuse des informations biaisées pour justifier des augmentations des taxes. Tout ce beau monde tire dans tous les sens sur la couverture pour l’amener à lui… Il n’y a pas une pensée politique dans tout cela, il n’y a que des pensées politiciennes contradictoires. Quand on aura bien taxé le diesel, vous verrez apparaître une propagande expliquant qu’il faut taxer (encore plus) l’essence à cause du benzène ou de je ne sais quoi d’autre. Puis on taxera les batteries sous prétexte de recyclage, etc.

 

            Il est bien évident que les vraies solutions écologiques ne sont pas là. Tout d’abord, comment vouloir laisser se déplacer une population qui est en totale surpopulation sans commencer par lutter contre cette dernière au lieu de pousser à la natalité ? Ensuite, il faut rechercher tout ce qui peut limiter la pollution par les déplacements, soit en groupant (covoiturage, transports en commun, on ferait mieux de construire des voies ferrées au lieu d’en déposer… même si, finalement, le développement des tramways va dans ce sens), soit en étudiant ce qui consomme et pollue le moins : trains ? vélos non électriques ?

 

            Encore faudrait-il avoir aussi des politiciens qui aient une vision globale au lieu d’être brinquebalés entre leurs luttes pour être réélus et les lobbies qui les harcèlent (voire les achètent ?). La biodiversité  sombre et les espèces disparaissent… mais il y en a une qui a disparu depuis un certain temps : celle des Hommes (ou Femmes) d’Etat, ayant une vue synthétique dans l’intérêt de la communauté !  Quant à l’espèce des écologistes (écologues ?), a-t-elle jamais existé, ou ne s’agit-il que d’un artefact ?



[i] C’est ainsi qu’on pourra se référer à « Socialisation de la nature » de Philippe Saint Marc, Stock 1971 ; cet ouvrage, loin d’être une apologie du socialisme (!) se donne en réalité pour but de montrer comment intégrer la nature dans le calcul économique…